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Cités Castors de France

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Le Mouvement Castor en Lorraine

En 1996, Eugène Gabriel l’un des principaux acteurs de cette aventure en retrace l’histoire dans le numéro 4 des « Cahiers du Billeron ». Merci au « Club Marangeois d’Histoire Locale » de nous permettre d’en retranscrire l’essentiel.

Table des matières

  • L’immédiat après-guerre
  • Création de la Société les Castors de la Vallée de l’Orne
  • Trouver un terrain pour construire
  • Recherche d’un financement
  • Assemblée Générale Constitutive
  • Etudes techniques,  Permis de Construire
  • Refus du M.U.R. (Ministère de l’Urbanisme et de la Reconstruction)
  • Les difficultés du chantier
  • Une fierté bien légitime
  • Les pionniers font des émules
  • Création de l’Union des Castors de Lorraine
  • Evènements et baptême des rues
  • Le Service Civil Volontaire International
  • Dénomination des rues et places
  • Dissolution de la société
  • La conclusion d’Eugène Gabriel
  • Contacts

L’immédiat après-guerre

Le mouvement « Castor » en Lorraine prend naissance dans le contexte de l’immédiat après-guerre. Outre les dégâts humains, le conflit laisse derrière lui des destructions matérielles considérables. Le pays va se mobiliser pour reconstruire dans un premier temps, et ensuite construire pour faire face à l’énorme manque de logements qui crée des situations précaires tout particulièrement pour des jeunes couples, parfois avec un, voire deux enfants, qui sont logés dans des logements insalubres dépourvus de tout confort.

Création de la Société les Castors de la Vallée de l’Orne

Cette situation émeut et préoccupe les Pouvoirs Publics et surtout certains syndicats, notamment la C.F.T.C. (Confédération Française des Travailleurs Chrétiens). A Moyeuvre et Rosselange se prépare, sous la houlette de Gérard Tincelin, un mouvement d’accession à la propriété. Membre de la C.F.D.T. et technicien du bâtiment, Eugène Gabriel prend contact avec se dernier, le courant passe entre les deux hommes et Eugène propose de susciter un groupe d’au maximum 20 candidats à la propriété sur le secteur d’Hagondange.

La société prendra le nom de « Société les Castors de la Vallée de l’Orne ». Elle a pour but de réunir les « Castors », futurs propriétaires, en unité de chantier. Ils participeront suivant leur disponibilité et leurs compétences à la construction de leurs logements. C’est très rapidement que se forme un groupe de 20 candidats, qui sont tous enthousiasmés par cette innovation. Se pose alors la question de trouver un terrain. Nous sommes début 1952.

Trouver un terrain pour construire

Les contacts à ce sujet avec les maires d’Hagondange et de Maizières-lès-Metz, s’avèrent infructueux. C’est alors que le secrétaire général de la mairie de Marange prend contact pour informer que le maire de Marange-Silvange au courant du projet serait heureux de soutenir l’initiative en apportant tous ses moyens pour trouver un terrain.
Rendez-vous est pris avec le maire en pleine forêt de Silvange : « Je me propose de vous aider à acquérir ces terrains privés et c’est ici que vous pourrez réaliser votre projet. Je vous fais confiance et bon courage ».
Le groupe informé le soir même, accueille la nouvelle avec réserve, mais il semble n’y avoir aucune autre solution, les dès sont jetés. C’est ainsi que le mouvement des « Castors » en Lorraine prendra naissance à Silvange.

Recherche d’un financement

Gérard Tincelin s’attèle à la création juridique de la société et à la recherche de financements, un préfinancement est trouvé auprès du CODAL (Comité d’Aide au Logement), celui-ci est accordé à court terme en attendant le relais du Crédit Foncier de France  et de la CAF (Caisse d’Allocations Familiales).

Assemblée Générale Constitutive

Pour donner une assise juridique à la société cette assemblée est constituée des 20 candidats de Marange-Silvange auxquels se joindront 16 futurs candidats de Moyeuvre et 8 de Rosselange.
La Société les Castors de la Vallée de l’Orne est créée avec des statuts dûment acceptés, ceux-ci soumettent tous les futurs habitants  à fournir un minimum de 60 heures de travail par mois.
Election d’un Conseil d’Administration. Maître Frantz notaire à Metz est caution de cette légalité, il est également chargé, avec le président de négocier et de régler l’achat des terrains à Silvange et de procéder à toutes les opérations financières et légales.

Etudes techniques,  Permis de Construire

Pierre Vassor, architecte à Metz, engage l’étude technique du lotissement : le plan d’exécution, le plan de masse, le devis estimatif et descriptif. Après toutes ces opérations le Permis de Construire est déposé en mairie de Marange-Silvange, avec, bien sûr, l’avis favorable du maire.

Refus du M.U.R. (Ministère de l’Urbanisme et de la Reconstruction)

Dans un premier temps le M.U.R. refuse d’accorder ce permis. Après un mouvement de colère du groupe des Castors et du maire, un rendez-vous est pris sur place le 19 juillet 1952. Après discussion, un permis verbal est accordé, c’est la joie et le soulagement pour tous.
Le surlendemain, le chantier démarre par l’implantation et le traçage de la première maison jumelée.
Le terrassement commence aussitôt, le propriétaire de la parcelle ayant, au préalable, donné son accord de vente au président. Mais il faut aussi procéder à l’abattage d’arbres et à l’arrachage des souches car le chantier se trouve en pleine forêt de Silvange.
Pour réparer son premier refus, le M.U.R. offre une cabane en bois, elle sera montée sur place. Elle servira de dépôt et de bureau. De plus, un logement d’une pièce et une cuisine sera aménagé et occupé par un couple d’Amnéville avec un enfant qui jusque là était logé dans une cave.  Ils seront en outre les gardiens du chantier.

Pendant ce temps, les autres terrains seront acquis sans problèmes, mais il aura fallu contacter une dizaine de propriétaires.

Les difficultés du chantier

Les fondations sont coulées manuellement avec comme seuls outils, pioches, pelles et brouettes. Les premiers matériaux seront livrés par des fournisseurs méfiants.
L’équipement est pauvre, mais le courage ne fait pas défaut, malgré les ricanements des uns et la méfiance de beaucoup. Une équipe de maçons est embauchée. La pierre de Jaumont est livrée, les agglos seront fabriqués par les Castors en utilisant une petite vibro-pondeuse.
Petit à petit le chantier s’équipe : achat d’une « bétonneuse » avec moteur thermique, d’un monte-charge, rendant ainsi le travail plus supportable. Mais au fur et à mesure que le temps passe la fatigue se fait sentir. L’hiver arrive et le gel arrêtera les travaux.
Mais deux maisons jumelées (4 logements) sont déjà construites et mise hors d’eau. Les fondations des quatre autres logements sont déjà coulées.

Une fierté bien légitime

Les premiers Castors de Silvange, expriment une fierté bien légitime. Ils sont véritablement les pionniers du mouvement « Castor » en Lorraine. C’est l’admiration qui remplace le septicisme et les moqueries du début.
1953 verra rentrer les premiers habitants dans leurs maisons, et le programme de la première tranche sera pratiquement terminé en fin d’année.
Le chantier de Moyeuvre (16 logements) et celui de Rosselange (7 logements), après avoir réglé les problèmes de terrains, démarrent également.

Les pionniers font des émules

De nouvelles sociétés se créent : Val de Metz, Basse Moselle, Vallée de la Fensch….

De nouveaux chantiers qui dépendent de la Vallée de l’Orne démarrent, notamment :
– 3 chantiers à Montois,
– 1 chantier à Pierrevillers,
– 1 chantier à Rombas,
– 1 chantier à Hagondange (UCPMI)
– 1 chantier à Froidcul.

Création de l’Union des Castors de Lorraine

Finalement se crée l’Union des Castors de Lorraine regroupant l’ensemble des sociétés. Le personnel technique, avec M. Duval comme architecte, et administratif est embauché. Le bureau sera installé dans un baraquement, place Coislin à Metz, le tout sous l’impulsion de Gérard Tincelin.

Mais c’est à Silvange que les nombreux candidats (plus de 100 inscriptions chez le président) posent problème.
Une deuxième tranche de 22 logements démarre en 1953.
Puis sera programmé un chantier de 54 logements, qui démarrera en octobre 1953.
Et enfin une quatrième tranche sera programmée avec 32 logements. Ce chantier débutera début 1956. et sera terminé en mai 1957.

Eugène Gabriel quitte son emploi de technicien du bâtiment à l’UCPMI d’Hagondange pour prendre la direction de l’Union des Castors de Lorraine, puis celle de l’ensemble des chantiers de Silvange.
C’est Antoine Seeman de Rosselange qui deviendra alors président de l’Union des Castors de Lorraine.

L’ensemble du chantier sera terminé en mai 1957, soit au total 128 logements plus la cantine construite en dur qui sera transformée en logement et occupée par un couple de retraités avec un fils handicapé physique.

Evènements et baptême des rues

Bénédiction du chantier par l’abbé Simon.
Inauguration de la rue des Pionniers par Félix Midy, maire de Marange-Silvange le 4 septembre 1953.

Le Service Civil Volontaire International

Au cours de l’été 1955, le Service Civil Volontaire International, avec plus de quarante volontaires viendra efficacement prêter main-forte sur le chantier. Ils ou elles sont originaires de plusieurs pays d’Europe et même d’Afrique, d’Egypte notamment. Tout sera logé sur place, et une grande amitié unira Castors et membres du Service Civil.
Pour garder la mémoire de cette participation une deuxième rue de la Cité fut baptisée rue de l’Amitié.

Dénomination des rues et places

Lors du conseil municipal du 21 novembre 1957, la décision est prise de dénommer les autres rues et places

Place de Pessac
  • Rue du Muguet,
  • Rue de Nantes (en souvenir des Castors nantais qui avaient participé au congrès national à Silvange en 1954),
  • Rue Pasteur,
  • Place des Chênes,
  • Place de Pessac (en souvenir de la ville de Gironde où se sont construits les premiers Castors (1948-1951).

Les routes et trottoirs seront réalisés partiellement en 1958 et l’ensemble en 1959.

Dissolution de la société

La dissolution de la société « Les Castors de la Vallée de l’Orne » sera prononcée en 1960. Ainsi se terminera « la grande aventure ».

La conclusion d’Eugène Gabriel

« Le mouvement « Castor » a été une solution au manque de logements après le conflit de 39-45, mais en aucun cas une solution d’avenir. Car les intéressés, après avoir accompli 8 heures de travail dans leur usine, venaient faire 4 voire 5 heures sur le chantier. C’était lourd à supporter, la fatigue se faisait parfois cruellement sentir : beaucoup abandonnaient en cours de route et étaient ainsi, suivant le règlement intérieur, privés du fruit de leur travail.

Ce qui reste aujourd’hui, c’est bien sûr la satisfaction d’avoir son chez-soi, tout en continuant à cultiver la solidarité dans le travail et parfois aussi dans l’épreuve. Hélas, avec le temps qui passe, la moitié des Castors de Silvange a déjà rejoint l’autre monde, et ceux qui les remplacent n’expriment pas la même solidarité. Il est cependant regrettable qu’une solution intermédiaire n’ait pas été proposée ou trouvée, mais il est certain que le mouvement Castor, qui a engendré un esprit de solidarité, de fraternité, de dévouement entre tous les acteurs, avait aussi ses détracteurs.

En effet, c’est sur la pression de ceux, parfois influents et qui voyaient notre mouvement d’un mauvais oeil, que le préfet d’alors a fait précipiter la dissolution de notre Union des Castors de Lorraine. Elimination calculée d’abord de Gérard Tincelin et de moi-même, seul permanent de l’équipe dirigeante, en me faisant miroiter la direction d’un vaste chantier à Vitry-sur-Orne, mais sous tutelle de la préfecture… Ce n’était hélas qu’un mirage(1) ».

Eugène Gabriel – 1996

  1. Eugène Gabriel, « les Castors de Silvange », Alain Gatti, « l’Esprit Castor : la solidarité conquise dans le travail », Les Cahiers du Billeron, n°4, 1er semestre 1996.

 

 

Contacts

Pour contacter les animateurs du portail internet : citescastorsdefrance@free.fr
Pour contacter le Club Marangeois d’Histoire Locale : cmhl.laruche@gmail.com
Pour consulter le site Archives du Mouvement Castor « Fonds Roger Blanc » : http://www.cites-castors.com/

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