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Cités Castors de France

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Les Castors de Nanterre – Hauts-de-Seine

Table des matières

  • Le contexte de l’après-guerre
  • L’engagement des Prêtres-Ouvriers
  • Naissance du projet des Castors
  • Formation de l’Unité de Nanterre
  • Recherche d’un terrain
  • Recherche de financements
  • Recrutement des futurs Castors
  • Rédaction d’un règlement intérieur
  • Eléboration des plans
  • Organisation du chantier
  • Les Compagnons Castors
  • La construction
      • Préfabriqué ou traditionnel
      • Les parpaings
      • Les terrassements
      • Les structures de béton armé
      • Les couvertures
      • Le chauffage
      • La peinture des bâtiments
      • Les équipements Collectifs
  • Le renfort du Service Civil Volontaire International
  • L’attribution des logements
  • Le coût des logements
  • La conclusion de René Legrain
  • L’article de Patrick Pochet de la Société d’Histoire de Nanterre Nanterre Info – 20/05/2012
  • Contacts

Le contexte de l’après-guerre

L’incurie des politiques du logement entre les deux guerres, les destructions de la deuxième guerre mondiale et l’exode rural qui voit l’arrivée de populations nouvelles dans la région parisienne créent une crise du logement inégalée. L’insuffisance de logements, leur mauvais état et leur coût rendent impossible le logement décent de million de français et tout particulièrement des jeunes couples.

C’est à ce moment là qu’apparurent les premiers bidonvilles.
Nanterre fut une des villes où de grands bidonvilles furent construits ; les principaux furent édifiés à l’emplacement du parc Malraux, des immeubles des trois Fontanot et à proximité des papeterie de la Seine, rue des Pâquerettes au Petit Nanterre.

L’engagement des Prêtres-Ouvriers

Alertée par la déchristianisation des milieux ouvriers en France l’Eglise crée la mission de France en 1941 destinée à former des prêtres à ce phénomène nouveau. En 1943, le cardinal Emmanuel Suhard s’en inspire pour créer la mission de Paris dont le but est de former des prêtres pour la classe ouvrière parisienne. C’est ainsi que dès 1945, des prêtres-ouvriers travaillent en usine exerçant ainsi leur sacerdoce au plus près des ouvriers, partageant leurs luttes quotidiennes et leurs combats pour l’avenir.
Un capucin, André Baugé, vint s’installer au petit Colombes, il décida de rester pour s’installer auprès de personnes déshéritées matériellement ou spirituellement.

Naissance du projet des Castors

En 1948, le père André Baugé fit la rencontre du père Etienne Damoran, prêtre-ouvrier, soudeur aux chantiers de construction navale, les Chantiers de la Gironde à Bordeaux.
Il lui fit part des actions engagés pour le logement par les habitants du Petit Nanterre. Le père Damoran l’informa que des actions similaires étaient réalisées à Bordeaux. Il envisageait de les réunir en une association d’une construction d’une cité pavillonnaire. Cette association dirigée par Pierre Merle décida de construire 150 pavillons à Pessac dans la banlieue de Bordeaux en prenant en charge eux-mêmes l’organisation de ce chantier et en s’engageant à y apporter la force de leur propre travail.
Dans l’association « les Amis du Petit Nanterre » des jeunes ménages furent intéressés par cette solution. Jo Sarazin prit la direction de l’association avec la collaboration de Jacques Destrem, Roger Colliot, Gilbert Frugier et René Legrain, pour mener à bien le projet de la construction de 50 pavillons dans le quartier du Petit Nanterre.
La première réunion se tint le 15 octobre 1948.

Formation de l’Unité de Nanterre

Jo Sarazin entreprit des démarches auprès du Ministère de la Reconstruction, hélas le ministère ne reconnaissait pas encore cette démarche,  pourtant d’avant-garde, pour la construction de logements, il ne souhaitait pas non plus la multiplication d’associations de ce type en région parisienne.
Il avait déjà donné un accord de principe à un groupe semblable au nôtre à Montreuil dirigé par Lucien Bénière, parallèlement, au Petit Massy un groupe se formait également. Le ministère conseilla le regroupement de ces initiatives et c’est ainsi que fut fondée « la société coopérative d’HLM de Clair Logis » dont le siège social était rue Jules Guesde à Montreuil.
« Nous avions ainsi un statut social légal qui nous permettait de faire des demandes de prêts et de créer notre entreprise »

Recherche d’un terrain

En dépit de tous les terrains vagues du Petit Nanterre, la recherche d’un terrain assez grand s’avéra difficile. Finalement existaient trois terrains rue de Sartrouville et six avenue de la République pour une superficie de l’ensemble de 17 770 m2 qui pouvaient convenir. Une proposition fut faite aux deux propriétaires, madame Petits-Pieds et monsieur Lestrille, qui l’acceptèrent pour la somme de 6.4 millions de francs.

Recherche de financements

Pour concrétiser cette promesse de vente il fallait des fonds. Jo Sarazin contacta Pierre Merle à Bordeaux et celui-ci accorda le premier prêt d’un montant de 1 million, ce qui était énorme pour l’époque surtout pour ce groupe qui connaissait aussi des difficultés. D’autres prêteurs, parmi les premiers desquels figurent les familles Pillon, Cartay, un ingénieur « des Papeteries de la Seine »… permirent un premier versement.
Le père Jaugé continua de rechercher des prêts sans intérêt ou des dons auprès de ses connaissances.

Jo Sarazin réussit à obtenir un rendez-vous avec le directeur de la Caisse d’Allocations Familiales, pour lui présenter le projet, les difficultés rencontrées et la volonté de permettre aux familles de vivre dans des logements convenables (en 1953 il y avait 160 enfants répartis dans les 50 familles). Il finit de le convaincre de l’intérêt du projet.
Le jour du rendez-vous chez le notaire pour la signature de l’acte, la somme nécessaire n’avait pas pu être réunie, Jo Sarazin s’y rendit avec l’intention de demander un nouveau délai. Mais là, surprise, le directeur de la Caisse d’Allocations Familiales, qui avait contacté le notaire, était présent, après discussion il prit son chéquier et fit un chèque de la somme manquante. Ce fut le premier financement de la CAF.
Cet acte fut signé le 18 mars 1950. Le notaire, maître de la Marnière au Rancy, se chargea de regrouper les actes de Nanterre, Montreuil et Massy pour réduire les frais. Il devint le notaire de tous les Castors.

Recrutement des futurs Castors

Au départ il y avait un petit groupe d’une quinzaine de volontaires, il fallait donc recruter de nouveaux participants pour atteindre les 50 convenus initialement ; Jo Sarazin diffusa des tracts dans les quartiers avoisinants, organisa une réunion d’information au cinéma « le pierrot blanc » au Petit Colombes avec en première partie la projection du film « Monsieur Vincent » avec Pierre Fresnay, puis une information sur notre projet.
Cette réunion fut un succès. Les inscriptions se firent très vite et le seuil de 50 volontaires largement dépassé. Une liste d’attente fut instituée.

Rédaction d’un règlement intérieur

Au cours des différentes réunions que le conseil tenait chaque semaine, un règlement intérieur fut rédigé, il reprenait l’essentiel de celui des Castors de Bordeaux à savoir :

  • 40 heures de travail mensuelles pour chacun des futurs habitants
  • 2/3 des vacances (à cette époque 2/3 des 15 jours de congés annuels)
  • Les heures non effectuées le mois en cours seront doublées le mois  suivant
  • Aucune indemnité si abandon du chantier avant son achèvement
  • Tirage au sort de l’emplacement du logement attribué

A cette époque la semaine de travail en entreprise était de 48 à 52 heures hebdomadaires.

Eléboration des plans

Après une expérience malheureuse avec un architecte de Nanterre, Union Nationale des Castors nouvellement constituée par l’ensemble « de Clair Logis », et des chantiers de Bordeaux et de Poitiers, qui tenait ses réunions dans une baraque sise dans la cour de la gare de la Bastille  à Paris.
L’U.N.C. conseilla un jeune architecte Monsieur Vanderpoten de Plessis Robinson.
Le terrain bien que grand était trop petit pour 50 pavillons il fallut revoir les ambitions :
Après bien des discussions avec l’architecte il s’avéra possible de construire 12 pavillons jumelés : grands F5 pour les grandes familles de plus de 5 enfants, et 6 bâtiments F3 et F4, et pour maintenir le chiffre de 50, par dérogation, il fut possible qu’un bâtiment ait un étage supplémentaire.
Devant cette refonte du projet, bien des familles ont renoncé, vite remplacée par de nouveaux volontaires.
L’architecte put enfin élaborer le plan de masse définitif.

Organisation du chantier

Tous ces changements, plus les démarches, le devis, la demande du permis de construire et l’obtention du prêt de crédit immobilier de l’île de France d’un montant de 135 466 672 francs remboursable en 25 ans à 2,75% d’intérêts, demanda 26 mois d’organisation, pour une construction qui allait durer 20 mois !

Il fallait maintenant s’attaquer au chantier : mettre en état le terrain, le nettoyer, le niveler, trouver les équipements de base indispensables (abri pour le matériel et le bureau, bulldozer, véhicule pour le transport des matériaux, bétonnière, vibro-pondeuse pour fabriquer les parpaings….) pour cela les compétences, les relations de chacun furent mises  à contribution.

Les Compagnons Castors

Pour réussir un tel programme il fallait une équipe solide à la direction de laquelle Jo Sarazin se retrouva Gérant du chantier pour un salaire de  15 000 francs, l’équivalent du salaire minimum.
(voir la composition  de cette équipe et le film archive du chantier)

La construction

Préfabriqué ou traditionnel

La société des maisons préfabriquées « Phénix » proposa  de fournir les matériaux nécessaires et adaptés à la construction des pavillons  souhaités par les Castors, avec paiement seulement lorsque les prêts seraient obtenus. Cette proposition représentait des avantages énormes : simplification et gain de temps; Après la visite de quatre chantiers à Louveciennes, une Assemblée Générale fut organisée : le vote s’est imposé pour la construction traditionnelle malgré le travail supplémentaire et un temps d’exécution plus long que ça impliquait. Ils ne le regrettèrent pas.

Les parpaings

Avec le premier versement du prêt, les premiers achats furent une bétonnière, une table vibrante et un moule à parpaings et plus tard une vibro-pondeuse qui permettait la fabrication de quatre parpaings à la fois. Certains samedis, après 12 à 15 heures de travail de six compagnons 1750 parpaings étaient produits.

Les terrassements

Simultanément d’autres équipes commençaient les terrassements. A titre d’exemple, il fallait six hommes pour faire les fouilles d’un pavillon jumelé en trois samedis et trois dimanches pour creuser, charger et évacuer 193 m3 de terre.
Tous les terrassements se firent à la pelle et à la pioche !

Les structures de béton armé

Monsieur Crouzet, un ingénieur des travaux publics, spécialisé dans le béton armé (il avait déjà participé à la construction de l’église Sainte-Odile à la porte Champerret), ancien prisonnier de guerre, compris l’esprit de solidarité et l’ambition de ces bâtisseurs ; il accepta de participer bénévolement au projet. Il exécutait tous les calculs pour les fondations, les poutres, les planchers des différents niveaux.
Gilbert Frugier et René Legrain prenaient le relais pour établir les plans de ferraillage et c’est Geo Schindler qui réalisait la construction de ces armatures.

Les couvertures

La charpente avait été choisie, négociée et commandée à Pontarlier dans le Jura et rappatriée par train à la gare de la Garenne. L’ensemble des charpentes a été réalisé rapidement avec le concours de tous les Castors sous la conduite d’un charpentier recruté pour l’occasion.
Les tuiles furent posées sous l’autorité de monsieur Péchard plombier couvreur seul Castor de métier.

Le chauffage

Après étude de prix, le choix d’un chauffage à air chaud est fait avec la Société Industrielle des Pyrénées (SIP). Installation de tuyauteries de distribution dans le plafond du couloir avec un poêle dans la salle commune et prise d’air extérieure. Hélas cette solution donna de mauvais résultats. Après un procès gagné contre la société SIP, les habitants installèrent des poêles à mazout.

La peinture des bâtiments

Tous les bâtiments n’avais pas la même couleur, certains pavillons étaient gris, verts, rouges ou blanc… le tout réalisé par un groupe de Castors.

Les équipements Collectifs

Pierre Lelièvre mena les négociations avec le maire Raymond Barbet pour que la municipalité prenne en charge les frais de l’éclairage public, mais EDF exigea la construction d’un bâtiment pour l’installation d’un transformateur pour un franc par an. Ces deux conventions sont toujours d’actualité.

Pour le tout-à-l’égout, du fait du dénivellement du terrain, 15 mètres en sens inverse de l’avenue de la République, pour avoir une pente suffisante il fallait creuser une tranchée très profonde sous la rue de la Cité. Devant la difficulté et le danger il fut décidé de confier ce travail à une entreprise.

Les conduites d’eau furent réalisées par Claude Barlier.

Le renfort du Service Civil Volontaire International

Fort heureusement une équipe de Service Civil Volontaire International composée d’Allemands, de Français et même d’Américains, dirigée par un dénommé Etienne, est venue prêter main forte, en échange du couvert et du logis dans la baraque du chantier. Les femmes faisaient le ravitaillement et la cuisine pour cette formidable équipe.

Les aménagements intérieurs terminés, les bâtisseurs arrivaient au terme de leur entreprise après 1 500 heures de travail chacun, et cela sans qu’aucun accident corporel soit à déplorer.
Les familles Castors étaient prêtes à emménager, mais il restait des « heures Castors » à faire, clôtures, routes, améliorations de l’ensemble et plantations étant programmées ultérieurement.

L’attribution des logements

Lors d’une assemblée générale, il a été procédé au tirage au sort pour l’attribution des logements, cela s’est passé dans une ambiance calme et conviviale.
Tous étaient prêts à emménager, mais il restait des heures Castors à faire, clôtures, routes, améliorations de l’ensemble ; les plantations étant programmées ultérieurement, les aménagements intérieurs, peintures et tapisseries.
Georges Legrand fut le premier à emménager en mars 1953, les autres se succédèrent jusqu’en juillet 1953 ; 50 familles dont un certain nombre avec de petits revenus.  160 enfants : en période de vacances scolaires la cité se transformait en une vaste cour de récréation.

Le coût des logements

En 1962, Roger Colliot décédait, il avait assuré toute la comptabilité du  chantier, il avait même fait le calcul de chacun jusqu’en 1978 date de la fin de remboursement des prêts.
Pour mémoire ces montants s’élevaient charges comprises à :

  • Pour un F3 :            8 100 francs
  • Pour un F4 :            9 600 francs
  • Pour un pavillon : 11 075 francs

A cela il fallait déduire l’allocation logement selon les situations familiales. Ces sommes paraissent importantes pour l’époque mais l’allocation logement et les dévaluations monétaires successives facilitèrent les remboursements à ceux qui avaient de petits revenus.

La Cité a continué à être gérée par un conseil de gestion composé de neuf membres, qui a toujours équilibré les comptes et assuré son entretien.

La conclusion de René Legrain

« Force est de constater que notre courage et notre détermination nous ont ouvert les portes de  la réalisation de notre projet. Cependant, quoi qu’il en soit rien ni personne n’aurait pu nous faire renoncer.
Cette histoire est l’histoire de jeunes Hommes, au sortir de la guerre, sans moyens matériels, souvent en charge de familles nombreuses qui, refusant de céder à l’immobilisme, se sont emparées de leur destin.
A force de courage, de détermination voire de hargne, ils ont réussi un pari fou dont ils sont fiers. »

 Nanterre, septembre 2007
René Legrain

L’article de Patrick Pochet de la Société d’Histoire de Nanterre
Nanterre Info – 20/05/2012

(cliquer ici pour lire)

 

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