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Cités Castors de France

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Partir de rien, tout créer !

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  • Partir de rien,  tout créer
  • S’adapter aux situations

Partir de rien,  tout créer

Ils avaient 30 ans environ, de l’implication et de l’application. J’ai senti dans leurs témoignages le souci du travail bien fait, la fierté de porter ce projet. Déjà, la plupart avait fondé une famille, des enfants l’agrandissaient. Ils ont aujourd’hui entre 87 et 91 ans. Les souvenirs sont bien présents. Ils portent la parole des absents, la font vivre, citent leur nom, disent leur implication. La transmission est aussi là. André Touya se trouve dépositaire et prend grand soin aujourd’hui de tous les documents de la Société : grands cahiers de comptes remplis à la main, documents dactylographiés (dont les statuts, le règlement intérieur, et un bilan effectué par Marc Darbos, alors vice président).

« On n’avait que nos mains, quelques pelles et des brouettes », témoigne Max Lavielle qui ajoute : « au départ, on se faisait nous-mêmes les outils. Je me souviens avoir fait des truelles à partir de matériel de récupération. Tout le monde bricolait.». « C’était une tâche extraordinaire dont nous n’avions pas mesuré l’ampleur. Mais il y avait un tel enthousiasme de construire ensemble ces maisons. Nous partions vers l’inconnu : ça a été notre bonheur… Puis on a commencé les cotisations ».

Ayant obtenu un financement du Crédit Foncier, le COLL recevait également dès le départ, chaque mois, une somme fixée de chaque sociétaire.

Ainsi, les Castors sont partis de rien : à St Paul, ils ont acheté un grand terrain vacant à un particulier pour 1 franc le m2.

La première construction fut celle d’un puits sur place, afin d’avoir de l’eau pour le chantier. Il a fallu creuser jusqu’à obtenir l’eau.  Max Lavielle : « Très rapidement, nous sommes tombés sur de la roche.  Nous avons trouvé un entrepreneur qui avait un appareil nous permettant de la faire éclater. L’eau était là. Elle venait d’un ruisseau de l’Adour, non loin du terrain acheté ». « On a commencé les parpaings, les blocs et de là on est partis » ajoute André Touya. Il précise : « Chaque jour, il y avait sur le chantier environ 10 à 15 sociétaires. Nous faisions les fondations à la main. Après passage dans une bétonnière du mélange sable, ciment et gravier, nous coulions dans des moules de trois blocs les parpaings, On les portait ensuite sur des palettes pour les faire sécher. Le plus dur était ensuite le nettoyage des palettes. Tous les blocs ont été faits d’abord pour les 79 maisons ». 

Je lis sur l’article de Jean-Pierre Mabille : « Plus de 100 mille blocs » ont été crées.

« Afin de protéger chacun de tout accident du travail, une mutuelle fut constituée. Chaque sociétaire en payait une part » disent également André Touya et Max Lavielle.

Très rapidement, il a fallu tous les corps de métiers. Chacun faisait à partir de ses compétences, de ses capacités. Ils étaient très volontaires. Manœuvre, tous l’ont fait.  « Mon mari conduisait aussi le camion sur le chantier, ils étaient peu nombreux à avoir  e permis » dit Mme E.

Il est intéressant de noter que la plupart d’entre eux se sont formés sur place. Certains se sont spécialisé dans une tâche : ainsi, « l’un faisait maçon, l’autre carreleur, ils sont devenus ensuite artisans ».  « D’autres avaient des spécialités : il y avait celui qui était électricien, il a fait tous les pylônes. Un autre était menuisier, il a fait, en bois tous les tours de cheminée. Mais chacun avait un tour différent de la maison d’à côté » remarque André Touya. « J’ai fait toute la zinguerie : les dalles les crochets et les entourages des cheminées de toutes les maisons » témoigne Max Lavielle. « L’organisation s’est faite petit à petit, les tuiles, le ciment, on a tout fait petit à petit ». « On faisait les bûcherons, on taillait les arbres. On est allés dans la forêt et on a taillé les arbres ». Des centaines de pins furent ainsi abattus.  Parce qu’au départ, « il n’y avait pas d’égouts, racontent les deux témoins, nous avons fait des puits perdus , des fosses sceptiques. » « Je me souviens des bois taillés sur le terrain, avec lesquels ils ont fait toutes charpentes. Il y avait aussi la machine pour les tailler. Ça faisait pas mal de bruit mais on s’en moquait. » dit Emilie Lacroix en riant.

Dans les moments forts, ils ont eu à embaucher jusqu’à 100 ouvriers pour prêter main forte. « Au début, les matériaux nous coûtaient plus cher que la main d’œuvre. A un moment, c’était l’inverse » disent-ils. « Mais plus on en faisait, mieux c’était pour nous ».

S’adapter aux situations

Je découvre l’esprit d’ingéniosité dont ont fait preuve ces hommes (et femmes) au fur et à mesure que je les écoute.

Des situations rencontrées, certaines ne dépendaient pas d’eux, ils surent pourtant en tirer profit :

André Touya raconte : « en 1952, il y a eu une inondation. L’Adour a déversé énormément de sable sur des routes. Nous sommes allés récupérer le sable pour bâtir nos maisons. Nous y allions le dimanche (c’était le jour où ils étaient plus nombreux) et nous l’avons ramené jusqu’ici. » .

Sur un autre plan, j’entends aussi leurs propos : « il y avait une inflation très forte à ce moment-là en France. Dans ce contexte, il a fallu bâtir très vite, donc le travail était intense ».

D’autres situations pouvaient être adaptées de leur propre initiative :

Attentifs à tout, ils témoignent : « nous avions construit les premières maisons avec un grand avant-toit. On a modifié légèrement cette avancée. Ainsi, nous avons économisé des tuiles, du bois, du travail… de même pour les caves, selon ce que chacun voulait, on pouvait les creuser plus ou moins profondes ».

Quant au carrelage, acheté en grande quantité, cela  a facilité la  baisse du coût de façon intéressante : « tous les Castors ont eu le même carrelage au sol ».

Le travail en commun leur a permis peu à peu de se constituer un tissu de relations. Les personnes embauchées pouvaient être de confiance. « M. Gisard, qui était artisan à Souston (village voisin), nous a prêté une scierie. A partir de pins de 3m de circonférence, avec la scierie, on faisait toutes les charpentes » dit André Touya. Ils ont amené la vieille machine à vapeur sur place : un Castor saint-paulois, soudeur, épaulé par d’autres Castors, a réparé la machine usée par le temps, elle a pu fonctionner tout du long… Charpentes, planches diverses, les hommes Castors ont tout fait au fur et à mesure.

« Nous avons aussi monté une menuiserie avec M. Ferrier, Castor menuisier de St Paul. Et nous avons acheté des machines ».

En 1957, toutes les maisons furent terminées.

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Copyright Association Culturelle des Castors de Pessac | Juin 2019