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Cités Castors de France

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Cité-ouvrière des Castors pradéens – Prades – Pyrénées-Orientale

Table des matières

  • 1950 – Un vent de modernité souffle sur la France
  • Comment se présente la ville ?
  • Arrivée des familles Castors
  • 1953 – Association locale des Castors de Prades
  • Les pionniers de l’aventure Les soixante-deux familles Castors en 1957
  • La recherche d’un terrain
    • En concurrence avec la commune
    • Le financement du terrain
    • Le financement des maisons
  • La clé de la réussite « l’Apport-Travail »
  • Un rêve fou réalisé
  • Aujourd’hui, une telle réalisation serait-elle possible ?
  • 2009 « L’histoire des Castors de Prades »
  • Contacts

1950 – Un vent de modernité souffle sur la France

Suite à la période de conquêtes sociales obtenues grâce au Front Populaire,  dans l’entre-deux guerre, les destructions du deuxième conflit mondial, la remise sur pied de l’outil de production, les grandes nationalisations, et la reconstruction de la France, du Gouvernement Provisoire  (1944-1946) et les premières années de la IV  République, financé en partie par  l’aide financière américaine du  » Plan Marshall ».
Nous sommes, sans le savoir, à l’aube des ces années dites des « Trente Glorieuses » (1945-1975).

C’est dans ce contexte que le mouvement Castors prendra son essor  dans une France où il fait bon vivre !
Mais rien n’ai simple ! Malgré ces facteurs favorables, il faudra énormément de courage, de ténacité aux futurs Castors pour construire leur maison et, grâce à leur travail, il trouveront sur leur route de la solidarité de quelques pradéens.

Comment se présente la ville ?

A leur arrivée en 1950 les futures familles Castors constatent que Prades est encore une petite ville bourgeoise avec ses 5000 habitants environ. Le secteur agricole est devenu des plus rentable avec des propriétés arboricoles, des maraîchages et de l’élevage en pleine expansion, la ville a un caractère rural certain, les agriculteurs ont le vent en poupe et toujours prudents sauront investir pour leurs vieux jours !..

Mais la société se transforme et entre dans les griffes du monde de la société de consommation avec un  accès de plus en plus facile au crédit. Les fonctionnaires et les cadres sont les premiers concernés par cette nouvelle façon  si facile d’acheter. Mais à Prades les familles du monde ouvrier des Castors sauront résister à la tentation et auront à coeur d’appliquer la formule léguée par leurs parents : « si tu as l’argent tu achètes, si tu ne l’as pas tu regardes ! »

Le maire que vont rencontrer les Castors est un propriétaire terrien, Jean Clerc, qui a été élu en 1947, c’est une personne estimée et prudente qui va gérer la ville en bon père de famille afin d’éviter toutes dépenses inutiles et évidemment pas d’emprunts ! Ce qui va offrir à son successeur Louis Monestier (1959-1977) des finances communales florissantes permettant ainsi de nouvelles réalisations.

Arrivée des familles Castors

On voit arriver à Prades des jeunes gens travaillant à la SNCF (dépôt de Villefranche de Confluent et gare de Prades), à EDF (maison mère à Prades), à la Poste, à l’Education Nationale (écoles primaires et secondaires avec la SUP). Presque tous sont politiquement à gauche (socialistes, communistes, radicaux, sympathisants), ils sont mariés avec enfants, la plupart d’origine modeste et sont à la recherche d’une  location , le plus près possible de leur travail.

Que leur proposent les propriétaires pradéens ?
Pour eux c’est une manne qui arrive ! ils offrent des logements datant de l’entre deux guerres sans confort, ni sanitaires, ni commodités. Pour laver le linge il faut aller aux lavoirs publics, on ne parle même pas de wc ! On se lave à fond une fois par semaine aux Bains-Douches publics à la rue Saint-Juan de Porto Rico, sinon le robinet à l’évier de la cuisine…

Alors que faire ?
Les échanges avec d’autres ouvriers de la SNCF, dans d’autres régions et les nouvelles arrivent à la gare, au dépôt : « à Pessac en Gironde 150 logements Castors sont construit (1948), les maisons Castors de la Loire voient le jour (1949) et à Perpignan on se bouge aussi à partir de 1952 ».

Toutes ces informations sont passées au crible fin parmi les cheminots de la SNCF, et le dynamique René Burgès (1912-1967) affecté à la gare de Prades va être le chef de file du mouvement Castor.
La grande aventure commence !
Preuve à l’appui de la réussite des Castors dans d’autres départements, René Burgès va convaincre quelques cheminots et de bouche à oreille il y aura de quoi créer une associations.

1953 – Association locale des Castors de Prades

Le  2 janvier 1953 à la mairie de Prades, sous la présidence du maire Jean Clerc, s’ouvre la première réunion d’information sur le mouvement Castors, dans l’assistance de nombreuses familles sont présentes.
Le 13 janvier 1953, création de l’Association avec un Conseil d’Administration et un Bureau :
René Burgès est élu président à l’unanimité.
Bureau :
Président : René Burgès
Vice-Président : François Pacouil, remplacé rapidement par Henri Gipolo
Secrétaire Général : Pierre Auger
Trésorier : René Bataille
Conseil d’Administration :
Monsan, Henri Léther, Paul Baldet, Charles Lucas, André Fourriques, Jean <Bénézet, Chevalier, Villardeil, Labaume, Sicart, Rives.
Parmi eux certains ne construiront pas aux Castors et seront remplacés à partir de 1957.
L’Association est une Société Coopérative Anonyme à Capital et Personnel variables, le capital est de 86 000 francs, le siège social est en mairie de Prades, immatriculée au Registre du Commerce de Prades sous le N° 56B3, la banque est la BNCI de Prades.

Les pionniers de l’aventure
Les soixante-deux familles Castors en 1957

(pour voir cliquer ici)

La recherche d’un terrain

La Cité le long de la voie ferrée

Forte de ses soixante-deux familles adhérentes, l’association va devoir en premier lieu trouver un terrain, mais où ? Dans la ville, l’association commençait à être critiquée et sur la place les réflexions allaient bon train :
« Com feran per pagar, tenen pas un sou ? I prendran el treball als peires de Prada ! Es una ciutat vermella ! »
(Comment feront-ils pour payer ? Ils n’ont pas un sou ! Et ils prendront le travail aux maçons de Prades ! C’est une cité rouge !).
Les cheminots auront à coeur d’expliquer que les entrepreneurs en bâtiment pradéens seront de la partie pour construire leurs maisons, eux, se réservant de mettre en conformité le terrain (tranchées, fondations, trottoirs…), le message sera vite compris par les entreprises locales qui n’hésiteront pas, par la suite, à travailler à la réalisation des maisons.

En concurrence avec la commune

Le maire et son conseil municipal ont décidé de construire eux aussi un lotissement communal (le lotissement des Cerisiers était en cours et on est à la recherche un terrain pour le futur lotissement Candés). Or le maire est le vice-président de l’Office Départemental du Logement à Perpignan et le sénateur Léon Grégory en est le président !
Les Castors vont donc être en concurrence avec la municipalité pour un terrain et… les futures subventions de l’Etat !
Mais René Burgès ne se décourage pas, tenace, diplomate et compétent, bien suivi par ses amis Castors il continuera à chercher un terrain. Après une piste restée infructueuse au lieu-dit Saint-Martin, il reste l’avocat parisien Pierre Bécat, époux de la pradéenne Gabrielle Rotgé qui a un terrain de 1 ha 40 juste face à la gare au lieu-dit  Baltipalmes, mais qui est convoité par la municipalité !
L’avocat Pierre Bécat était aussi écrivain et grand ami du Castor Robert Lapassat, professeur au collège Gustave Violet, il sut écouter la cause des Castors et accepta de leur vendre son terrain au grand dam de la municipalité ! La promesse de vente eut lieu chez le notaire Maître Susplugas en 1953. L’association eut la chance de pouvoir acquérir deux petits terrains attenants appartenant l’un à M. Bazan (36 ares 45 ca) et l’autre à M. Pujado (32 ares 30 ca).
Coût global de ces terrains : 31 345 500 francs.
Mais comment va-t-on payer ces terrains ?

Le financement du terrain

Le vendeur, Pierre Bécat, ne s’attendait certes pas, (après avoir signé la promesse de vente en 1953) à signer la vente en 1955 et à être payé un peu plus tard en… 1959 !
Pourtant, lui aussi va jouer la carte de la solidarité pour les Castors :
Ne voyant rien venir car le dossier du Crédit Foncier est bloqué à Paris, il à l’idée légale d’engager un bail de 2 ans à l’association pour qu’elle commence à travailler le terrain.
Durant quatre ans le président et son équipe feront de leur mieux pour taper à toutes les portes.
Le Conseiller Général et député communiste André Tourné fera en sorte de débloquer à Paris les dossiers du Crédit Foncier impliqué dans le « plan Courant » (du nom du ministre de la construction d’alors). Finalement le Crédit Foncier participant à 70 % de l’achat du terrain, ils feront aussi appel :

  • Aux cotisations mensuelles obligatoires des Castors,
  • A une souscription d’actions Castors,
  • A des prêts à la SNCF, à la Caisse des Fonctionnaires, à la Caisse d’Epargne et à la Caisse d’Allocations Familiales.
  • Aux emprunts PTT.

La municipalité de Prades de Jean Clerc n’apportera pas d’aides financières car elle a le projet du Lotissement Candés, mais vu les démarches incessantes de l’association, elle accordera :

  • Le permis de construire en 1955,
  • Une aide financière sans intérêt, remboursée le plus vite possible par les Castors pour la tuyauterie qui avait éclatée lors de la vague de froid en 1954 (l’hiver de l’appel de l’Abbé Pierre),
  • L’installation de l’éclairage public dans le lotissement en 1958,
  • Le branchement égout et le raccordement au réseau EDF avec le lotissement attenant des Cerisiers.

Le financement des maisons

Suite à la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis vont venir en aide à l’Europe dévastée et en ruines. Pour la France c’est Léon Blum qui conduira avec succès les négociations financières et économiques à Washington.
En 1945 les Etats-Unis crée la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (B.I.R.D.)
En 1947-1949, sous la présidence d’Harry Truman, le secrétaire d’Etat, Georges Marshall propose un plan d’aide économique à l’Europe qui prend son nom « Plan Marshall ».

En France, l’aide américaine apporte un financement important pour la réalisation des logements sociaux mais aussi vers le secteur privé, dont bénéficieront les Castors par l’intermédiaire du Crédit Foncier.
En 1953, Pierre Courant ministre de la construction fait voter une loi facilitant la construction de logements sociaux et crée la contribution obligatoire des entreprises à l’effort de construction (1% de la masse des salaires des entreprises de plus de 10 salariés).

La clé de la réussite « l’Apport-Travail »

En attendant l’emprunt du Crédit Foncier, les Castors vont se mobiliser pour avoir les premiers matériaux de construction : l’association décide d’acheter un camion et de signer des baux avec des carrières (Capdet à Vinça, Palau à Catlar et Grimal à Villefranche de Conflent) pour avoir sable et gravier.
A tour de rôle, le camion sera conduit avec permis poids lourds par Michel Dardill, Edouard Salgues, André Fourriques, Henri Léther, Fabien Grion, Raphaël Saloun et Antoine Poncy qui transporteront des tonnes de sable et de gravier entassées en monticules sur le terrain.
On achètera ensuite des outils : pelles, truelles, pioches, brouettes…

Castors en chantier

Certains vont même fabriquer des parpaings – en 1951, en usine le parpaing valait 54 francs, fabriqué en chantier par une entreprise il valait 37 francs et fabriqué par les Castors 19 francs donc du bénéfice. On en vendra aux entrepreneurs du bâtiment pradéens.

Les Castors se mettent ainsi courageusement aux huit heures de travail exigées par semaine pour chacun en créant des commissions (finances, secrétariat, travaux, responsables camions).

Au départ, les Castors ont pour architecte leur ami l’ingénieur et professeur au collège de garçons Michel Bosch, mais l’Urbanisme à Perpignan les obligera à prendre deux architectes, E. Gobert et M. Sans, en leur imposant le Plan Courant voulu par le gouvernement. Mais Michel Bosch continuera à surveiller de près l’évolution du travail en conseillant ses amis Castors et rien ne lui échappera !

Le premier travail sera de niveler le terrain puis de creuser des tranchées profondément pour la réalisation des 62 fondations en suivant le plan.
De réaliser des terrassements pour les réseaux de viabilité (eau, égouts, électricité), pour les infrastructures des voies, des trottoirs…
Tout doit être parfait et les Castors s’appliqueront de leur mieux en travaillant dans toutes les maisons car ils ne savent pas celle qui leur est destinée ! les maisons finies seront tirées au sort !

Ensuite, ce sera aux entrepreneurs pradéens de prendre la relève pour la construction des maisons, heureux de pouvoir travailler en pleine reconstruction de la France pour la Cité Ouvrière des Castors.

Les maisons seront de type F4 (44), F5 (15), F6 (2) et F7 (1), suivant le besoin des familles, certaines n’auront pas d’étage, mais constituées par un rez-de-chaussée bien adapté, elles n’auront pas de garage mais un cellier où on placera un petit lavoir en béton en attendant la machine à laver et qui se transformera au fil des années en garage.

Un rêve fou réalisé

1960 – rue des Mimosas

 

A la fin de l’année 1957 et le début de 1958 les familles Castors s’installent dans leurs maisons, mais surtout dans leur Cité où ils vont vivre ensemble, pour le plus grand nombre, pour toute leur vie.

Aujourd’hui, une telle réalisation serait-elle possible ?

Eternelle question : « mais peut-on comparer la vie et le quotidien des ces Castors, nés au début du XXème siècle et la génération d’hommes et de femmes issus du troisième millénaire ? La crise économique est là, nous dira-t-on. Et les « trente glorieuses » qui se sont évanouies et avec elles les facilités bancaires, ainsi que les dispositions législatives valorisant l’Apport-Travail ?
Bien sûr, mais quand même, aujourd’hui trouverait-on 62 familles (240 personnes) prêtes à s’investir physiquement et avec tant de privations pour construire leur habitat ?
La question est toujours d’actualité !

Cette présentation a été possible grâce à l’ouvrage réalisé en 2014, en hommage aux familles Castors,
« 1953 – 1957 La grande aventure de la Cité-ouvrière des Castors pradéens »
par Jeanne Camps, Historienne Pradéenne,
Chargée de Mission Municipale – Patrimoine de la ville de Prades.

2009 « L’histoire des Castors de Prades »

Film réalisé par Georgio Ménégoni pour l’association Le Relais de Toulouges  dans le cadre du 7ème forum départemental de l’Economie Solidaire de septembre 2009 « Rencontre débat avec les Castors de Prades ».
Ce film a fait l’objet d’une projection et de la rencontre de plus de 200 personnes (Castors bâtisseurs, enfants de Castors, nouveaux habitants de la Cité et amoureux de l’histoire de Prades…) au cinéma le Lido de Prades le 20 février 2013.

Merci à Jeanne Camps et Anne Gaudron, présidente de l’association le Relais, pour leur collaboration.

(cliquer ici pour voir la vidéo)

Contacts

Pour contacter les animateurs du portail internet : citescastorsdefrance@free.fr
Pour consulter le site Archives du Mouvement Castor « Fonds Roger Blanc » : http://www.cites-castors.com/

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